Réforme fiscale : quel impact sur la transmission d’entreprises ?

Réforme fiscale : quel impact sur la transmission d’entreprises ?
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Réforme fiscale : quel impact sur la transmission d’entreprises ?

La taxation des plus-values sur titres en Belgique a longtemps été l’une des plus attractives d’Europe, bénéficiant dans la plupart des cas d’une exonération totale.[1] Suite à l’accord du gouvernement belge, cette situation va changer. En effet, sous la pression budgétaire, une importante réforme fiscale verra le jour introduisant une nouvelle taxation des plus-values sur actifs financiers, incluant les cessions d’actions.

Quels sont les éléments phares de cette réforme et quel sera l’impact pour la transmission des entreprises ?

Un régime préférentiel pour les entrepreneurs

L’accord du gouvernement – et plus particulièrement la fameuse « super-nota » – prévoit qu’un taux standard de 10% s’appliquera aux plus-values réalisées sur les actions, obligations, parts de fonds d’investissement, etc. Afin de protéger les petits épargnants, une exonération sera toutefois prévue pour les premiers 10.000 euros de plus-values.

D’autre part, un régime plus favorable sera mis en place pour les actionnaires personnes physiques détenant des participations substantielles, c’est-à-dire supérieures à 20%. Ceux-ci bénéficieront d’une exonération allant jusqu’à un million d’euros. Au-delà de ce seuil, la taxation s’appliquera de manière progressive :

  • 1,25% entre 1 et 2,5 millions d’euros ;
  • 2,5% entre 2,5 et 5 millions d’euros ;
  • 5% entre 5 et 10 millions d’euros ;
  • 10% au-delà de 10 millions d’euros.

Cette distinction – fort opportune à notre avis[2] – vise à ne pas pénaliser excessivement les entrepreneurs afin de ne pas nuire à l’activité économique en Belgique.

Entreprises familiales et actionnaires minoritaires

Pour bénéficier du régime préférentiel, il sera donc nécessaire de détenir au minimum 20% du capital d’une société. Cette condition pénalisera fortement les actionnaires minoritaires, même s’ils sont actifs au sein de l’entreprise.

Une situation courante dans les entreprises familiales, où l’actionnariat peut être fortement divisé, notamment entre les enfants. Face à cela, la structuration des successions pourrait être amenée à évoluer afin d’optimiser la transmission des sociétés familiales.

Cette mesure risque également d’avoir un impact sur l’attractivité des investissements dans certaines PME, en réduisant les avantages fiscaux pour les actionnaires ne remplissant pas le seuil requis.

Fixation d’une valeur de référence

La réforme prévoit également une exonération des plus-values historiques. Ainsi, le calcul devrait s’effectuer sur la base d’une valeur de référence, déterminée en fonction de la date d’entrée en vigueur de la loi. Par exemple, si la loi prend effet le 1er janvier 2026, la valeur de référence utilisée pour établir les plus-values sera déterminée au 31 décembre 2025.

Par conséquent, l’impact sur les cessions sera relativement limité pour les dirigeants cédant leur entreprise dans les prochaines années, à condition qu’ils puissent démontrer cette valeur de référence. Il sera donc essentiel de disposer d’une valeur objective de départ, ce qui renforce plus que jamais l’importance d’un rapport de valorisation établi par des professionnels.

Une évolution fiscale à surveiller

Malgré ces changements, la Belgique reste compétitive par rapport à ses voisins. « Toutefois, lorsque le principe de la taxation est acquis, le taux de taxation peut aisément être modifié au gré des besoins budgétaires, et ce, à l’instar de l’évolution du taux du précompte mobilier, passé de 15% à 30% en quelques années. » le rappelle Grégory Homans, avocat associé chez Dekeyser & Associés. [3]

Il faut également remarquer que l’accord final n’ayant pas encore été publié, certains ajustements pourraient encore être appliqués. D’ailleurs, il ressort des commentaires dans la presse, sur ce sujet hautement symbolique, que certaines différences d’interprétation subsistent entre les partenaires du nouveau gouvernement. Ainsi, Vooruit et le CD&V réservent les taux favorables aux actionnaires détenant au moins 20% des parts, sinon un taux de 10% s’applique avec une exonération limitée à 10.000 €. Le MR estime que cette condition ne concerne que l’exonération du premier million, sinon le taux est de 1,25%.[4] Affaire à suivre…

On peut également noter que les autorités fiscales devraient continuer à recourir aux règles anti-abus pour taxer certaines opérations, en particulier lorsqu’une entreprise cédée dispose de liquidités excédentaires importantes.[5] Le contexte de prudence fiscale reste donc certainement de mise.

En conclusion, si toute taxation du capital (ou des plus-values) pose question sur le plan des principes, il faut saluer la volonté de préserver l’activité économique et l’entrepreneuriat. Le nouveau gouvernement a voulu agir avec discernement et sans exagération. Le timing de cession étant dicté principalement par la situation des actionnaires et de l’entreprise, nous ne pensons pas que cette mesure, telle qu’annoncée, devrait avoir une incidence radicale sur le volume de transactions.

 

Un article de Tanguy della Faille, Managing Partner et Arnaud Durant, M&A Consultant chez FB Transmission

 

[1] Il n’y a pas de taxation si l’opération donnant lieu à la plus-value a été générée dans le cadre de la « gestion normale du patrimoine privé » (article 90, 1° du CIR 92)

[2] Nous avons plaidé à plusieurs reprises dans la presse pour une taxation différenciée du chef d’entreprise qui part à retraite et qui touche ainsi le fruit de son travail. Voir notamment article dans La Libre Entreprise « La taxation des plus-values sur titres » FB Transmission – Tanguy della Faille, 11 décembre 2010

[3] « Voici les derniers détails de la taxe sur les plus-values » L’Echo, 2 février 2025

[4] « Taxation des plus-values : des divergences de lecture entre MR et Vooruit/CD&V » L’Echo, 3 février 2025

[5] « Est-il abusif de vendre une société avec ses liquidités ? » FB Transmission – Tanguy della Faille, La Libre Entreprise du 19 avril 2024

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