Mais qu’est-ce qui a bien pu pousser cet Anversois d’origine à franchir la frontière linguistique et s’implanter à Tournai pour y devenir conseiller en fusions & acquisitions ?
Réponse de Tanguy della Faille : les entreprises. “Le fil rouge de ma carrière, ce sont vraiment les entreprises et, en particulier, les PME”, souligne-t-il. Après des études de droit et un MBA à la Vlerick School, c’est dans le secteur bancaire qu’il les côtoie initialement, au sein de la BBL puis de son repreneur ING. “Je me suis découvert un intérêt et une véritable passion pour les entrepreneurs, ceux qui créent et développent leur projet”, raconte-t-il. Cette passion l’emmène successivement à Bruxelles, Varsovie, Amsterdam et Tournai.
Plus de 200 dossiers depuis 2008
En 2008, il fait donc le grand saut et crée le cabinet Family Business Transmission (FB Transmission) avec Esteban Diez, déjà actif dans les M&A (fusions/acquisitions). “Nous nous sommes spécialisés dans la transmission d’entreprises, surtout familiales (c’est-à-dire dont la majorité du capital est détenue par une ou plusieurs personnes physiques, NdlR). En visant principalement des entités ayant une valorisation comprise entre 1 et 20 millions d’euros. Après une dizaine d’années, nous avons eu l’occasion de recruter de bons profils et d’enclencher une dynamique de croissance et de nous implanter avec des antennes sur toute la Belgique francophone et maintenant en Flandre, avec la fusion avec Tramanco”.
Les activités de FB Transmission se sont aussi élargies, grâce à l’arrivée de médiateurs agréés, à la gestion des crises entre actionnaires ou la mise en place d’une gouvernance adaptée aux entreprises familiales.
Mais la grande majorité des opérations de FB Transmission reste la transmission de sociétés, avec plus de 200 dossiers de ce type gérés depuis 2008. Des opérations devenues de plus en plus complexes aujourd’hui. “Parmi les tendances de fond, il y a clairement la complexité grandissante dans le monde des affaires au niveau fiscal et, plus généralement, réglementaire, note Tanguy della Faille. Il y a une ou deux générations, les transactions se faisaient souvent sur un coin de table ou via un petit contrat très bref. Et souvent, les évaluations se faisaient entre personnes qui se connaissaient. Aujourd’hui, un accompagnement professionnel est le plus souvent indispensable pour bien structurer le dossier et aller chercher le bon repreneur. Pour éviter aussi les risques car, avec la judiciarisation de la société, les problèmes potentiels après la cession sont de plus en plus présents.”
Une autre tendance lourde, pour les entreprises familiales, est justement de les voir quitter ce giron familial lorsque la génération aux commandes souhaite se retirer. “Il y a malheureusement de moins en moins de reprises intrafamiliales. Chez nous, 80 à 90 % des dossiers donnent lieu à une reprise externe après valorisation, recherche de repreneurs et négociations avec eux”, signale le Partner de FB Transmission. Qui explique : “Quand la question se pose entre une transmission en famille ou une cession externe, une plus grande liberté est laissée aujourd’hui aux enfants. Les parents ne décident plus pour les enfants et c’est une bonne chose. Les jeunes font leurs propres choix, ils ne reprendront peut-être pas l’entreprise familiale mais ce n’est pas pour cela qu’ils seront moins entreprenants. Ceci dit, je suis toujours ravi quand nous pouvons accompagner une transmission en famille. Les entreprises familiales ont de grandes vertus, avec cette continuité qui passe les générations. Mais il faut que les enfants qui les reprennent aient les compétences pour le faire et sachent que leur implication de dirigeant devra être très forte.”
Une vente plutôt qu’une donation
Sur le schéma de la transmission en famille, aussi, les méthodes évoluent. “Le modèle existant depuis longtemps, via une donation de titres qui n’est soumise à aucune taxation, n’est pas celui que nous préférons. Nous privilégions plutôt celui de la vente, même entre parents et enfants dans le cadre d’une transmission familiale. Cela permet de réaliser une transaction objective, basée sur une valeur de marché, et qui garantit une équité entre tous les enfants, repreneurs ou pas.”
Et quels sont les ingrédients d’une transmission réussie, selon Tanguy della Faille ? “Notre rôle, en tant que cabinet de cession, est de créer un climat de confiance. Car le chef d’entreprise nous confie un peu les clés de celle-ci. Mais le candidat repreneur doit aussi avoir confiance dans la qualité de la société et la valorisation que nous déterminons. Et cette confiance est peut-être encore plus essentielle dans le chef de celui qui revend car il souhaite que son entreprise reste dans de bonnes mains. Certains candidats acquéreurs pensent qu’il suffit de sortir leur chéquier pour racheter une société. Mais dans la plupart des cas, c’est bien le cédant qui choisit le repreneur et non l’inverse. Il y a donc une certaine dose d’humilité à avoir pour un acquéreur. Il doit se mettre au diapason du cédant, du personnel, comprendre comment fonctionne l’entreprise. Bien sûr, à un moment, il devra venir avec ses propres accents et apporter sa patte mais pas trop vite…”
Plus facile de faire un rachat dans son pays
Déjà actif depuis longtemps en Belgique francophone, le cabinet FB Transmission vient de fusionner avec son homologue courtraisien Tramanco, qui accompagne également des PME familiales “face à leurs défis de succession ou leurs ambitions de croissance.” “Grâce à la collaboration avec Tramanco, nous souhaitons offrir notre approche spécifique aux entreprises familiales en Flandre”, souligne Tanguy della Faille. Car, selon lui, les transactions interrégionales sont naturelles dans un pays comme la Belgique. “Nous avons déjà accompagné pas mal de repreneurs flamands de PME wallonnes mais aussi procédé à des opérations dans l’autre sens. Car, à l’heure où l’on accentue souvent les différences entre Flamands et Wallons, je crois qu’il y a, en fait, beaucoup de choses qui nous lient. Il est plus facile de faire une acquisition dans son pays qu’à l’étranger, malgré l’obstacle de la langue.”
Tanguy della Faille est le cofondateur de Family Business Transmission.
Interview de Tanguy della Faille – Managing Partner FB Transmission – parue dans la Libre Eco en date du 18 janvier 2025.