Lorsqu’on évoque la transmission d’entreprise, l’on pense généralement à un repreneur familial ou extérieur. La transmission aux salariés est une alternative qui mérite un coup de projecteur. D’une manière générale, l’actionnariat salarié n’est pas très populaire en Belgique. En 2016, seuls 9 % des employés belges détenaient une participation de leur employeur, à comparer avec la moyenne européenne (21,7 %) et surtout avec la France (36 %), pays leader dans ce domaine (*).
Il existe différentes manières d’impliquer le personnel dans le capital de la société à l’occasion d’une transmission.
-Management buy out (MBO) classique. L’entreprise est transmise à un ou plusieurs cadres, qui poursuivent la gestion, tout en devenant actionnaires. L’entreprise ne change toutefois pas fondamentalement de statut ni de mode de management.
-Sociétés coopératives et participatives (Scop). Ces coopératives se distinguent par le fait que l’ensemble des salariés sont actionnaires ou appelés à le devenir. Le personnel détient la majorité du capital. Les “Scop” fonctionnent généralement selon le principe d’une personne pour une voix. Elles visent à instaurer la démocratie dans l’entreprise. Le pouvoir, les risques et le profit sont équitablement partagés. Ainsi, le bénéfice annuel sera affecté en partie aux salariés (sous forme d’intéressement) et aux salariés-coopérateurs (sous forme de dividendes) sans oublier une mise en réserve suffisante pour consolider les fonds propres de l’entreprise. Lorsqu’un coopérateur sort, il récupère sa mise, mais sans plus-value.
Nées en France, où le cadre fiscal est particulièrement attractif, les “Scop” commencent à émerger en Belgique. Sous l’impulsion de l’Union des Scop Wallonie-Bruxelles (Uscop), l’information est diffusée (**) et les candidats-coopérateurs sont assistés pour la mise en place de leur projet.
En Belgique, les “Scop” n’ont pas de cadre légal spécifique et s’inscrivent donc dans l’arsenal juridique existant, bien souvent en utilisant la forme de la SCRL. Cependant, la Région wallonne a mis en place plusieurs dispositifs visant à stimuler les coopératives de travailleurs :
-Brasero. Cette mesure, déjà en place depuis environ deux ans, prévoit de doubler la mise pour chaque euro apporté par un coopérateur. Le financement est octroyé au travers de la Sowecsom, structure dédiée aux projets d’économie sociale et coopérative. Le projet doit répondre à des critères bien définis, et notamment pouvoir démontrer sa viabilité. Les coopérateurs rachètent cette participation (exit) après 5 à 10 ans.
-Portage. Ce nouveau dispositif, qui a vu le jour le 1er décembre 2016 et qui est encore en cours d’implémentation, va encore plus loin. La Sowecsom financera entièrement la mise de fonds des salariés qui n’en ont pas les moyens. Cette mise de fonds devra être remboursée progressivement sur une période de 5 ans.
-Garantie. Une troisième aide, également lancée le 1er décembre 2016, vise à mettre en place une garantie à 75 % d’un ensemble de microcrédits (jusque 25 000 Euros pour chaque coopérateur-salarié). Cette mesure sera pilotée par la Sowalfin, autre véhicule financier de la Région wallonne.
Forcément, les salariés connaissent bien l’entreprise. Le risque d’échec étant réduit, cette formule rassure le banquier qui finance l’opération ainsi que les clients et les fournisseurs. L’implication du personnel dans la stratégie de l’entreprise peut aussi renforcer la cohésion sociale et la dynamique de travail. Enfin, il s’agit d’une épargne à long terme des ménages concernés qui verront leur pouvoir d’achat amélioré.
L’actionnariat salarié comporte également certains inconvénients. Si certains salariés ont investi et d’autres non, ou si la participation a pris de la valeur, cela peut engendrer des divergences ou des conflits d’intérêts. En cas de difficultés graves de l’entreprise, l’employé risque de perdre non seulement son travail, mais aussi son épargne. Il est donc important de bien structurer tout nouveau projet.
Plus philosophiquement, la transmission aux salariés permet de gommer l’opposition entre le capital et le travail. Certains considèrent même cette forme de transmission comme la seule possible. Comme ce chef d’entreprise d’Alsace qui a donné son entreprise d’élagage à ses collaborateurs, tout en y restant actif comme consultant. Gageons que ces initiatives, en se multipliant, permettront un développement plus harmonieux de nos économies et de ceux qui les font vivre.
(*) Source : Fédération européenne de l’actionnariat salarié (Feas)
(**) Pour en savoir plus, un colloque est organisé, le 21 mars 2017 à 15h30 à Namur. Plus d’information sur la page Facebook de Uscop Wallonie Bruxelles.