La période de la rentrée académique est propice pour faire un bilan de l’année écoulée et dresser une tendance pour l’année en cours. Rarement cet exercice aura été aussi contrasté entre le climat économique actuel et celui de l’an dernier. Et le même constat prévaut pour le marché des fusions&acquisitions (alias le M&A, pour mergers&acquisitions), désignant les opérations de rachat d’entreprises.
En effet, la morosité ambiante est particulièrement aiguë vu le contexte de crise économique aux multiples visages : tensions géopolitiques inédites, pénurie des matières premières, inflation galopante, marchés boursiers en chute libre…
Pourtant, à l’entame de la guerre en Ukraine, le marché des fusions et acquisitions était en plein boom. Avec plus de 5 000 milliards d’euros investis au niveau mondial, l’année 2021 a pulvérisé les précédents records. La concurrence entre acquéreurs s’est accrue, surtout pour les opérations de taille plus importante, avec la montée en puissance des acquéreurs stratégiques, des investisseurs familiaux, ainsi que des fonds de private equity.
En Belgique aussi, la plupart des cabinets de cession ont affiché un excellent cru 2021 et la cadence s’est poursuivie au début de 2022.
Faut-il alors craindre une crise économique généralisée ? À quel point ces éléments vont-ils enrayer le financement des acquisitions et mettre fin au boom des derniers mois ?
Rappelons que l’activité économique s’était arrêtée brutalement à cause du Covid il y a deux ans. Le discours ambiant était tout aussi pessimiste que maintenant, mais pour d’autres raisons. Cette crise a finalement affecté certains secteurs (horeca, évènements,…), sans ruiner toute l’économie, et ce notamment grâce aux mesures gouvernementales.
Ces différentes crises, aussi perturbantes soient-elles, révèlent de nouvelles tendances de société qui devraient nous donner de l’espoir. La fin des livraisons de gaz russe oblige les Européens à accélérer la décarbonisation de l’économie, dont notre planète a tant besoin. La pénurie des matières premières, la hausse des coûts de transport ainsi que les confinements très stricts en Chine incitent les pays occidentaux à relocaliser leurs outils de production.
Pour l’activité M&A, la hausse des taux d’intérêt et l’incertitude quant aux résultats futurs sont certes des défis importants, puisque l’accès au financement sera plus compliqué à obtenir. Toutefois, le recours au crédit vendeur et à l’earn-out (prix variable et payé de manière différée) permet de contrer cette difficulté. En ce qui concerne le niveau de valorisations, la crise actuelle permettra sans doute de revenir à des multiples plus raisonnables (*). D’autre part, les motifs qui poussent à vendre (départ à la pension du dirigeant, volonté de changement…) n’ont pas disparu (**), ni les énormes réserves de liquidités disponibles.
Notre économie est portée principalement par des PME qui ont fait la preuve de leur résilience et de leur agilité. Afin de dompter la crise actuelle, des mesures sont prises par nos gouvernements et banques centrales, mais celles-ci n’ont pas encore sorti leurs effets. Il faut donc être patient.
En conclusion, sans minimiser les problèmes, gardons-nous de verser dans un pessimisme excessif. Utilisons notre capacité d’analyse pour comprendre comment répondre au mieux aux défis qui se présentent et tentons de nous adapter en orientant nos activités dans le sens de l’avenir et de la pérennité. Toute crise apporte son lot d’opportunités, certainement dans le domaine des cessions d’entreprises.
(*) Les multiples d’EbitDA dans certains secteurs, et surtout pour des opérations de taille importante, ont monté au cours des dernières années.
(**) Comme en atteste l’étude de la Sowalfin Retour sur 2021 et perspectives 2022, disponible sur Internet.
Article de notre expert Tanguy della Faille