Force est de reconnaître que – d’un point de vue social – la cession d’entreprise a mauvaise presse. On associe souvent les changements d’actionnariat avec des plans de restructuration, des licenciements collectifs ou des fermetures d’usines. En effet, certains investisseurs financiers, prenant le contrôle d’une société, mettent une pression énorme sur les dirigeants pour augmenter la rentabilité. Obnubilés par le cours de Bourse ou par d’autres objectifs à court terme, ils exigent des réductions de coûts déraisonnables qui se traduisent aussitôt en licenciements. Cette logique infernale est une réalité indéniable aujourd’hui, encore plus présente en cette période de crise. Mais elle n’est pas – loin s’en faut – la norme dans le domaine des cessions d’entreprise.
Pourtant, le législateur a prévu une protection spécifique pour les cessions d’entreprises. La Convention collective de travail n°32 bis du 7 juin 1985 prévoit le maintien des droits des travailleurs lorsque l’entreprise est transférée complètement ou partiellement. Cette protection vaut tant pour les cessions de parts que pour les cessions de fonds de commerce. Dans ce dernier cas, les travailleurs recevront une annexe à leur contrat de travail, confirmant le changement d’employeur et le maintien de leur salaire, de leur ancienneté et autres droits sociaux.
Le changement d’employeur en soi n’est donc pas un motif de licenciement. Personne ne peut être licencié sous le prétexte que cela faciliterait le transfert de l’entreprise. Cette interdiction de licenciement s’applique à celui qui transfère comme au repreneur.
La CCT 32 bis prévoit également une obligation d’information et de consultation. Pour les entreprises concernées, l’employeur devra préalablement informer le conseil d’entreprise sur les causes et les conséquences économiques, financières et techniques du transfert. En outre, il devra consulter le conseil d’entreprise sur les moyens à mettre en œuvre pour éviter les licenciements (mesures sociales, rapide réembauche).
Mais bien entendu, il sera toujours possible de licencier pour motif grave ou pour des raisons économiques, techniques ou organisationnelles. En cas de litige, il appartiendra à l’employeur d’apporter la preuve au tribunal que le licenciement n’était pas lié à la cession. Le dirigeant n’ayant pas respecté ces dispositions pourra être passible non seulement d’amendes administratives mais également de sanctions pénales.
Au-delà de cette protection juridique, il y a la réalité. Et la réalité des PME familiales est tout autre que celle décrite au début de cet article. Le dirigeant d’une PME souhaite évidemment la rentabilité à long terme de son entreprise. Mais il ne prendra pas de mesures radicales à court terme pour améliorer ses ratios financiers. Il aura au contraire souvent tissé des liens personnels forts avec son équipe. Et il est conscient que le succès ne dépend pas de lui seul. La plupart des cessions d’entreprises familiales se font dès lors dans le calme et la continuité. Le repreneur a besoin des personnes clés pour assurer la continuité de l’entreprise. Et dans une PME, chaque personne est importante ! On est donc bien loin du cliché évoqué en préambule.
Illustration : Clou