Maisons de repos, un secteur qui bouge

Maisons de repos, un secteur qui bouge
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Maisons de repos, un secteur qui bouge

L’acquisition de petites maisons de repos à caractère familial, par des acteurs plus importants, inquiète de nombreux observateurs, comme en témoignent plusieurs articles qui ont paru récemment sur le sujet.

En tant que témoin privilégié sur le terrain, il nous a semblé utile d’expliquer les raisons qui poussent les actionnaires de maisons de repos à céder leur établissement (article ci-dessous) et d’analyser le processus de cession et les conséquences pour les différents intervenants (article suivant). Ces articles ne traitent que de la situation en Région wallonne, la matière étant en effet fort différente d’une région à l’autre.

Il faut constater que le gestionnaire d’une entité familiale est confronté à de nombreuses difficultés. Combiner l’approche humaine si nécessaire pour la gestion de la fin de vie, avec une pression normative et financière de plus en plus pesante, relève bien souvent de la quadrature du cercle.

Résumons les principaux défis auxquels le gestionnaire doit faire face :

Demande surabondante.

Le vieillissement de la population entraîne inévitablement une demande croissante, qui malheureusement n’est pas suffisamment rencontrée. Les maisons de repos, toutes régions et tous secteurs confondus, affichent un taux d’occupation de pratiquement 100 %. Cette pénurie de places s’explique par le moratoire qui a été mis en place en 1998. Dans un souci de contrôle budgétaire, un accord entre le fédéral et les communautés a fixé le nombre de lits à 130 000 pour l’ensemble de la Belgique, dont 49 000 pour la Wallonie. Une maigre distribution en2012 (612 lits en Région wallonne, soit une augmentation d’à peine 1,2 %) a permis de quelque peu soulager la demande. Cette situation a pour conséquence que les résidents entrent en maison de repos de plus en plus tard – plus de 80ans en moyenne – et en moins bonne santé. La gestion de ces cas de plus en plus lourds et des listes d’attente est un premier facteur de stress rencontré.

Réglementation complexe.

Pour ne pas perdre son agrément d’exploitation, délivré par le bourgmestre sur avis de la Région wallonne, le gestionnaire d’une maison de repos doit satisfaire à une multitude de normes : –direction : titulaire du diplôme requis; –personnel : adéquation du personnel médical avec le nombre de résidents et leur état de dépendance, veilleur de nuit,…; –incendie : cloisonnement RF, largeur des portes, système de détection, double chemin d’évacuation,…; –bâtiment : taille des chambres, vitrage suffisant, cabinet de toilette, appel infirmier, baignoire à hauteur variable, largeur des couloirs,…; –installations techniques : contrôle périodique du chauffage, du système électrique, de la centrale de détection d’incendie, des ascenseurs, et même du système d’égouttage; –soins : local infirmier, contrôle de prise des médicaments, suivi des soins,…; –cuisine : respect des normes HACCP, aménagement de la cuisine, traçabilité de la nourriture, affichage des menus,…
Ces normes sont en évolution permanente. Ce début d’année a vu la mise en place des “Normes2015” introduisant des nouvelles contraintes. Le gestionnaire se voit obligé de revoir périodiquement le fonctionnement de son institution et dans certains cas de réaliser des travaux importants. Les contrôles à l’improviste de la Région wallonne sont souvent source d’irritation car il y a toujours des choses à redire, même lorsque l’on fait le maximum pour que la maison soit bien tenue.

Cadre financier strict.

Les ressources d’une maison de repos proviennent de deux sources principales, chacune étant strictement encadrée. D’une part, le forfait octroyé par l’Inami vient couvrir les frais liés au personnel soignant (infirmières, aides-soignantes). Un calcul savant, tenant compte du nombre de résidents, de leur état de dépendance (échelle Katz), et l’occupation réelle du lit, est réalisé pour la période de référence (du 1er juillet au 30juin) précédant l’année en cours. Ce forfait, fixé annuellement, déterminera le montant qui sera versé trimestriellement par l’Inami à la maison de repos. En cas d’insuffisance de personnel soignant, de lourdes sanctions sont imposées, réduisant le forfait presque à néant, ce qui conduit le gestionnaire à une gestion prudente en visant un léger excédent de personnel soignant.

La récente régionalisation de ce volet de l’Inami, suite à la sixième réforme de l’Etat, fait craindre que les forfaits seront revus à la baisse pour cause de contraintes budgétaires.

L’autre source de revenus provient du prix d’hébergement, payé par le résident en tant que “location” de sa chambre. Ce prix, très variable d’un établissement à l’autre, est contrôlé par le ministère des Affaires économiques, ce qui limite fortement la possibilité de majoration. Le prix d’hébergement couvre pratiquement toutes les prestations de la maison de repos, limitant strictement les suppléments qui peuvent être demandés (par exemple : langes,…).
Ce cadre financier ne laisse que peu de place à la créativité.

Lorsque l’institution est en difficulté financière – et il est généralement admis que le seuil de rentabilité d’une maison de repos se situe autour de 60-70 lits – quelles sont les options qui s’ouvrent aux actionnaires ? La cession de leur établissement est souvent, bien malgré eux, la seule solution raisonnable.

Nous verrons dans un article suivant les différentes formes que peuvent prendre ces cessions, les formules de valorisations utilisées, ainsi que les conséquences de ces opérations de cession pour les résidents et le familles.