Informer les travailleurs en cas de cession

Informer les travailleurs en cas de cession
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Informer les travailleurs en cas de cession

La loi Hamon en France consacre ce droit à l’information

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La cession d’une entreprise peut être une source d’inquiétude pour ceux qui en vivent, surtout lorsque ceux-ci ne sont pas bien informés. Ainsi, il arrive que le personnel découvre dans la presse qu’il a changé d’employeur. Il est dès lors permis de se demander si le personnel a un droit à l’information en cas de cession et jusqu’à quel point doit aller ce droit. Le législateur français a pris une position claire en protégeant les salariés. Promulguée le 31 juillet 2014 et entrée en vigueur le 1er novembre dernier, cette « loi Hamon » nous donne l’occasion de faire le point sur la question.

Pourquoi la loi Hamon ?

Les dispositions concernées font partie d’un plus large dispositif sur l’Economie Sociale et Solidaire (Loi ESS art. 18-20), chère à l’ancien ministre Benoît Hamon. Faisant le constat que de nombreuses entreprises saines ne trouvaient pas de repreneur, il a semblé utile de donner aux salariés l’occasion de faire une offre de reprise. L’actionnariat salarié connaît un réel succès en France, notamment pas le biais des sociétés coopératives et participatives (Scop). La volonté sous-jacente du droit à l’information est donc d’encourager la reprise de l’entreprise par les salariés.

En quoi consiste ce droit à l’information ?

Les salariés doivent être informés de l’intention de vendre l’entreprise ou le fonds de commerce dans un délai de deux mois précédant la cession, afin qu’ils aient l’occasion de présenter une offre de rachat. La communication peut se faire sous diverses formes (réunion, lettre, email) mais chacun des employés doit être informé individuellement, ce qui suppose un accusé de réception. La loi n’oblige pas la diffusion d’informations précises (prix, …) mais invite les salariés à se faire accompagner par un professionnel, tel que la Chambre de Commerce. L’obligation d’information concerne toute entreprise de moins de 250 salariés, sachant que les grandes entreprises, disposant d’une représentation syndicale structurée, sont soumises à des dispositions spécifiques.

Quelles sont les conséquences pour la transmission d’entreprises ?

La sanction en cas de non respect est particulièrement lourde, puisque la cession peut être annulée sur demande de tout salarié. Par ailleurs, de nombreuses questions subsistent alors que le décret d’application n’a été publié que le 28 octobre 2014, soit 3 jours avant l’entrée en vigueur de la loi. Il faut aussi noter que le devoir d’information est rétroactif, ce qui est très gênant pour toutes les opérations en cours de négociation.

La loi prévoit un devoir de discrétion incombant aux travailleurs informés, mais il est légitime de se demander comment cela pourrait être contrôlé. Il semble en effet hasardeux de déroger au sacro-saint principe de confidentialité qui entoure les discussions de cession.

Dans ce contexte, une levée de boucliers a vu le jour, tant chez les organismes patronaux (MEDEF) que chez les professionnels de la transmission d’entreprises.

L’insécurité juridique provoquée par cette loi se superpose d’ailleurs au climat d’affaires particulièrement morose. Le nombre de transactions a connu une forte hausse en octobre, faisant craindre un arrêt brutal dès la mise en œuvre de la nouvelle loi. Il est d’ailleurs ouvertement question de marche arrière ou d’affaiblir considérablement la portée de ces dispositions.

Qu’en est-il en Belgique ?

La loi du 23 avril 2008 impose une information aux salariés pour les entreprises disposant d’un CPPT ou d’un Conseil d’Entreprise. Le droit à l’information porte sur les informations annuelles (comptes annuels) mais aussi sur les informations « de base », dont font partie notamment les conventions ou accords qui ont des conséquences fondamentales et durables sur la situation de l’entreprise. Le cas de la cession est visé par cette disposition, tout comme la conclusion d’un important contrat, des difficultés financières, etc. En cas de non respect, des sanctions pénales sont applicables, s’agissant d’amendes ou de peines d’emprisonnement, mais il semble qu’elles ne soient pas souvent appliquées.

Ce dispositif est en réalité la transposition de la directive européenne 2002/14/CE. Il existe donc des dispositions similaires dans tous les pays de l’Union Européenne, applicables pour les entreprises qui disposent d’une délégation syndicale.

Pour les PME qui n’ont pas de délégation syndicale (moins de 50 employés), il n’y a pas de contrainte particulière en matière d’information.

Concluons que l’excès nuit en tout. S’il paraît important d’informer correctement les salariés de leur avenir, il ne faudrait pas que ce droit soit un frein au bon déroulement des cessions de PME, alors que ce processus est déjà fort délicat.

Tanguy della Faille

FB TRANSMISSION

tanguy.della.faille@fb-transmission.com