Les indemnités de remploi sont souvent source de frustrations ou de conflits entre les emprunteurs et les banques. La Loi Laruelle est venue modifier quelque peu la situation. Qu’en est-il exactement ?
Il faut se rappeler que la plupart des contrats bancaires prévoient une pénalité en cas de remboursement anticipé. En matière de crédits hypothécaires (pour les particuliers), cette pénalité ne peut dépasser les 3 mois d’intérêts sur le montant du remboursement anticipé (art. 12 de la loi du 4 août 1992). Pour les professionnels par contre, la pénalité est souvent exprimée en tant que “funding loss” c’est-à-dire la perte de rémunération pour la banque qui se voit privée des intérêts jusqu’au terme. Lorsque le différentiel de taux est important, le montant de la pénalité grimpe parfois jusque 20 ou 30 % du montant nominal. C’est généralement la banque qui indique à son client le montant de la pénalité qui lui est dû, selon un calcul assez complexe et pas toujours bien compris.
Cette situation est souvent mal vécue par le client qui a le sentiment qu’on n’agit pas au mieux de ses intérêts. Parfois, il estime aussi n’avoir pas été bien informé dès le départ, car il aurait pu choisir une autre forme de crédit où la funding loss ne s’applique pas (crédit à taux variable par exemple).
La loi du 21 décembre 2013, appelée aussi Loi Laruelle du nom de l’ancienne ministre qui l’a portée sur les fonts baptismaux, apporte certains changements. Cette loi s’adresse aux petites et moyennes entreprises. Deux mesures simples mais concrètes y ont été adoptées.
Rigueur et droit à l’information. La banque doit fournir des informations correctes, claires et non trompeuses au moment de l’octroi du crédit. Elle doit informer le client sur les différentes formes de crédit et proposer le type de crédit le mieux adapté. En cas de refus du crédit, les éléments essentiels sur lesquels ce refus est basé doivent être communiqués au client. Cette disposition n’ouvre cependant pas un “droit au crédit” à l’entreprise.
Remboursement anticipé. Pour les crédits dont le montant initial ne dépasse pas 1 million d’euros, l’indemnité de remploi ne peut excéder 6 mois d’intérêts, calculée sur la somme remboursée et au taux fixé dans le contrat. Pour les crédits d’un montant supérieur, l’indemnité de remploi est fixée contractuellement entre les parties. Aucune indemnité de remploi ne sera due si le remboursement anticipé intervient en exécution d’un contrat d’assurance solde restant dû, ou s’il s’agit d’un regroupement de crédits chez le même prêteur, ou encore lors d’une modification non substantielle de la convention de crédit.
Observons que cette loi ne concerne que les crédits conclus après son entrée en vigueur (10 janvier 2014). Les anciens crédits restent donc soumis à l’application des clauses contractuelles, alors que justement c’est pour ceux-ci que la pénalité est la plus importante, vu la baisse de taux importante des dernières années.
Même si sous cet angle, la loi rate un peu sa cible, il faut reconnaître que les mesures prises sont appréciables dans le contexte actuel.
Car la crise financière nous rappelle que l’octroi du crédit est l’un des principaux moteurs de l’économie. L’arme de la baisse des taux a déjà été utilisée par la BCE à tel point qu’aujourd’hui le taux des dépôts bancaires est négatif.
Cette situation n’est pas tenable à long terme. Car comment imaginer que les banques qui placent nos dépôts overnight auprès de la BCE puissent faire face à leurs frais fixes avec des marges négatives ?
Malgré cette baisse de taux inédite, force est de constater que la confiance n’est pas rétablie. Il s’agit en effet de confiance, le mot crédit (credere = croire) signifiant précisément cette indispensable foi en l’avenir et le succès futur.
Loin des grandes considérations macroéconomiques, il semble que de petites initiatives concrètes, telles que la Loi Laruelle, peuvent contribuer à cet objectif. Car la confiance ne se décrète pas, elle se construit par des petits pas. Et toute mesure qui stimule l’entrepreneuriat, la prise de risque et l’investissement est la bienvenue.
Illustration : Clou