La question de la vente ou non de l’immeuble d’entreprise se pose naturellement lors d’une cession. Est-il préférable de garder cet immeuble et de le louer au repreneur ? Ou faut-il au contraire privilégier une cession complète afin d’obtenir un meilleur prix ? Il n’y a, bien entendu, pas de réponse univoque car tout dépend des circonstances.
Dès le début du processus de mise en vente, la question de garder ou céder l’immeuble mérite d’être posée. Les deux scénarios peuvent être étudiés. Un bon point de départ pour mener cette réflexion, c’est de réaliser une expertise indépendante qui détermine le prix de vente “en vente vénale” et le loyer attendu. La qualité de l’expert et la fiabilité du rapport sont importantes dans la mesure où il s’agit de convaincre non seulement l’acquéreur mais aussi son banquier. Certains experts ont tendance à flatter leur client ou à donner une valeur en “going concern” qui ne tient pas la route lorsque l’immeuble doit être vendu sur le marché. Ces expertises trop optimistes compliquent alors les discussions au lieu de les faciliter.
Lorsqu’il s’agit de réaliser la valorisation de l’entreprise, la hauteur du loyer a un impact direct sur les formules liées à la rentabilité. Si l’immeuble est sorti du périmètre de cession, la valeur du fonds de commerce sera affectée négativement du montant correspondant au multiple utilisé dans la formule de valorisation. Lorsque la rentabilité est faible et la valeur du bâtiment importante, il se peut que la rentabilité dégagée par l’activité intrinsèque ne suffise pas pour envisager une cession. Dans ce cas, une liquidation, impliquant donc l’arrêt de l’activité, sera peut-être la meilleure option. Il faudra bien entendu étudier toutes les conséquences de la liquidation : passif social, boni de liquidation, etc. Lorsque ces frais sont importants, la vente, même à un prix sacrifié, est préférable à la liquidation.
Dans le cas d’une entreprise à forte rentabilité, au contraire, la question de la valeur de l’immobilier sera moins déterminante.
Il faut garder à l’esprit qu’on ne peut additionner la valeur de l’immeuble à la valeur de rentabilité. Car l’immeuble d’exploitation étant nécessaire à la génération du cash-flow, sa valeur est déjà incluse dans la valorisation obtenue par cette méthode. Il est par contre pertinent de comparer les résultats obtenus par les méthodes liées à la rentabilité avec l’actif net corrigé, prenant en compte la valeur rectifiée de l’immobilier.
Alors, faut-il être propriétaire ou non de son immeuble d’exploitation ? Certaines multinationales ou start-ups en forte croissance préfèrent ne pas s’encombrer d’immobilier, pour garder leur focus sur le business et leur agilité pour facilement s’adapter au changement. Par contre, dans le monde des PME, le dirigeant a bien souvent une brique dans le ventre et on le comprend. Car posséder son immeuble, c’est développer un patrimoine distinct du business, bien utile en cas de coup dur. C’est aussi une garantie appréciée des banquiers. Et en cas d’agrandissement ou de modification de l’outil, c’est plus simple lorsqu’on est propriétaire.
Il ne faut donc pas s’étonner que la plupart des acquéreurs préfèrent reprendre l’immobilier plutôt que de payer des loyers à l’ancien propriétaire. Encore faut-il qu’ils en aient les moyens. Car le financement de l’immobilier s’ajoute à la reprise de l’exploitation. Une cession en deux temps, avec cession immédiate de l’exploitation et l’octroi d’une option d’achat sur l’immeuble, peut parfois faciliter le financement. Dans ce cas, il convient de mettre en place des conventions précises, fixant les modalités du bail et de l’option d’achat. Une option de vente peut aussi être proposée au vendeur afin qu’il ne soit pas “coincé” avec l’immeuble. Le prix d’exercice peut être fixe, indexé ou variable. Pour encourager l’acheteur, les loyers payés peuvent être retirés du prix, en totalité ou en partie. Il faut aussi bien réfléchir aux droits et obligations des parties pendant la durée du bail, par exemple en cas d’investissements dans le bâtiment.
Comment sortir l’immeuble lorsque celui-ci fait partie de la même entité juridique ? La vente de l’immeuble engendre généralement une lourde imposition : taxation sur la plus-value pour le vendeur et droits d’enregistrement pour l’acquéreur. Une scission partielle peut être envisagée, pour autant que l’opération réponde à d’autres objectifs économiques (non fiscaux). Dans certains cas, une opération de “sale and lease back” permet d’obtenir un financement à long terme, avec une option de rachat de l’immeuble in fine. Vu les incidences juridiques et fiscales, souvent pour des montants importants, il convient de s’entourer de spécialistes pour mettre en œuvre ce type de montage.
Observons que l’option d’achat peut aussi porter sur les titres d’une société immobilière. Il conviendra de bien préciser la formule de valorisation de cette société et de veiller qu’elle n’ait pas d’autres actifs, au moment de l’exercice, que l’immeuble et des actifs circulants et valorisables.
En conclusion, la cession ou non de l’immeuble d’exploitation est un sujet récurrent, qui doit être étudié avec précaution et au cas par cas.
Illustration : Clou