La cession/reprise d’une PME est souvent empreinte d’émotions vives. Si celles-ci ne sont pas canalisées, elles peuvent mettre en péril le succès du processus. Pour le cédant, le repreneur et les salariés, la perspective d’un changement de dirigeant est souvent une expérience traumatisante, d’autant plus que ce processus est généralement secret et mystérieux.

Aujourd’hui est abordé le point de vue du repreneur et celui des salariés. Celui du cédant fut abordé lors d’un article précédent (LLE 5 janvier 2012) Ces sujets sont une synthèse des travaux de Sonia Boussaguet, enseignant-chercheur en matière de cession d’entreprise à la Reims Management School.

Pour concrétiser son projet de reprise, le repreneur doit vaincre de nombreux obstacles. La peur de l’échec, de décevoir ses proches, des sacrifices à faire sont autant de freins psychologiques qu’il devra surmonter. Ensuite, lorsqu’il entre en fonction, le repreneur fait souvent face à deux sentiments parfaitement contradictoires. D’une part, ayant accompli son rêve de devenir « patron », il vit dans un état euphorique et parfois narcissique. D’autre part, il peut subir le contrecoup du rachat et vivre une situation d’anxiété où les peurs évoquées plus haut refont surface. Dans un environnement qu’il ne connaît pas encore, il a d’ailleurs de fortes chances de se sentir seul et parfois même seul contre tous.

Face à la complexité de cette situation, le repreneur peut réagir de différentes façons.

-Il gère la contrainte. Conscient de sa propre valeur tout en prenant en compte l’existant, il vit positivement sa prise de fonction.

-Le repreneur sous-estime la contrainte. Faisant preuve d’une sur-confiance en lui, il se réfugie dans des certitudes venues d’ailleurs. Il devient impatient d’acter son contrôle.

-Il surestime la contrainte ou sous-estime ses propres capacités. Ceci provoque un état de dépendance inquiétant vis-à-vis du cédant puis des salariés.

-Le repreneur nie la contrainte. Ignorant le passé, il fait preuve d’arrogance et veut afficher son autorité.

Pour réussir son défi, le repreneur devra opérer une véritable mutation en douceur. D’outsider, il doit devenir un patron reconnu et légitime, un vrai leader. En adoptant d’emblée une attitude de modestie et d’empathie, il pourra s’imprégner des habitudes de l’entreprise et des salariés. C’est par petites touches progressives que le repreneur peut et doit montrer sa valeur ajoutée. Ce processus prend du temps. Ce qui peut aider le repreneur, c’est de définir un projet de vie clair, fondé sur une vie privée stable et des valeurs personnelles assumées. Une bonne préparation personnelle et professionnelle peut aussi l’aider à mieux faire le saut.

Les salariés peuvent aussi vivre difficilement un changement de patron. Vis-à-vis du cédant, ils peuvent vivre un sentiment de perte de repères, d’abandon et même de trahison. Face à l’intrusion du nouveau dirigeant, différentes émotions peuvent apparaître : espoir, curiosité, mais aussi suspicion et angoisse. Les peurs sont de différentes nature : crainte de perdre son emploi, de changer de rôle, de devoir assumer de nouvelles responsabilités, peur de voir partir certains collègues, etc. Face au changement, la réaction de défiance est naturelle. Celle-ci peut se manifester par de l’absentéisme, des tensions, un blocage social, et même une grève ou des actes de sabotage.

Il appartiendra au repreneur de s’appuyer sur les « alliés », recadrer les « chouchous », rassurer les « inquiets », rallier les « attentistes » et se séparer des « ennemis de circonstances ».

Heureusement, certains employés accueillent positivement le nouveau patron. Une bonne préparation des esprits par le cédant, qui délivre un message positif, peut y contribuer. L’ancien et surtout le nouveau patron doivent « gagner les cœurs » de l’équipe en place. Ceci se fait à travers l’exemplarité, l’écoute, le respect, une communication transparente et finalement un projet commun porté et partagé par tous.

Tanguy della Faille

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