L’année 2010 était celle d’un triste record : le nombre de faillites en Belgique n’a jamais été aussi élevé. Fragilisés par la crise économique et financière, de nombreux dirigeants découragés ne voient d’autre alternative que d’arrêter purement et simplement leur activité. C’est le scénario d’une cessation d’activité.
Dans ce contexte morose, nombreux sont ceux qui pensent que notre cabinet de cession croule sous les demandes. Pourtant, la crise économique rend justement notre métier plus difficile par la raréfaction du crédit bancaire et l’hésitation des repreneurs à s’engager sur base de business plans devenus aléatoires. Les vendeurs aussi sont moins nombreux, préférant attendre des jours meilleurs pour mieux valoriser leur entreprise.
Il existe donc une grande confusion entre les différents modes d’arrêt ou de transfert d’activité d’une entreprise. La sémantique n’aide pas, car seulement deux lettres distinguent ces deux réalités. Sur le fond également, il faut bien faire la distinction, car le régime juridique et fiscal d’une cessation n’a rien à voir avec celui d’une cession.
La cessation ou la liquidation d’une entreprise suppose l’arrêt total de l’activité, la vente des actifs réalisables et, finalement, la radiation de l’entreprise qui perd la personnalité juridique. C’est donc une option radicale, souvent perçue comme un échec ou en tout cas comme une solution ultime. Pourtant, la liquidation volontaire est préférable à l’aveu de faillite. Dans ce dernier scénario, on ne maîtrise plus son destin : c’est le curateur, sous le contrôle du juge consulaire, qui organise la liquidation. Lorsque l’entreprise a perdu tout espoir raisonnable de revenir à la rentabilité, il vaut donc mieux organiser une liquidation volontaire dans des bonnes circonstances, plutôt que de creuser un trou de plus en plus profond pour devoir, finalement, quand même liquider de manière forcée.
Sur le plan fiscal, le boni de liquidation, c’est-à-dire le solde des actifs moins les dettes et après remboursement du capital social, est taxé actuellement à 10 %. Ce taux relativement intéressant sera probablement revu à la hausse lors d’une prochaine réforme fiscale, afin de le rapprocher du précompte mobilier (actuellement de 15 ou 25 %). A noter qu’il existe une alternative intéressante à la cessation lorsqu’une entreprise connaît des difficultés financières passagères.
La loi du 31/01/2009 sur la continuité des entreprises (LCE) remplace le concordat qui, trop souvent, s’apparentait à “l’antichambre de la mort”. L’entreprise en difficulté est placée sous la protection du tribunal, à l’abri de ses créanciers, pendant plusieurs mois. Ensuite, elle peut, moyennant certaines conditions, poursuivre son activité normalement. Il ne faut donc pas hésiter à faire appel à la LCE lorsqu’il est encore temps.
Une cession d’entreprise, par contre, vise à transférer la propriété d’une entreprise, généralement florissante, à un acquéreur. Le prix de cession reflète la rentabilité de l’entreprise, car l’acquéreur souhaitera obtenir un retour sur investissement correct. Par conséquent, le moment idéal pour vendre est lorsque l’entreprise dégage une rentabilité forte.
Le processus de cession est donc une décision volontaire et positive du dirigeant qui veut transmettre son bébé en bonne santé à un repreneur qui en prendra soin. On est aux antipodes de la cessation ! La taxation d’une cession dépend du régime juridique choisi. Une cession de fonds de commerce est taxable à taux de l’impôt des sociétés (33.99 %). Par contre, une cession de parts ou d’actions n’est pas taxée en Belgique, pour autant que cette opération soit réalisée “dans le cadre du patrimoine privé”.
Un récent jugement du Tribunal de Première instance de Bruxelles (16 février 2011) est venu confirmer que la cession d’une entreprise par son dirigeant est à considérer comme faisant partie “du cadre de son patrimoine privé”.
Malheureusement, ce régime favorable risque bien de ne plus durer longtemps. De nombreux partis politiques ne cachent plus leur volonté de taxer les plus-values sur actions, basant leur argumentation sur l’indécence de gains boursiers non taxés. Ce serait oublier qu’un tel changement dans le dispositif fiscal de notre pays, s’il y échoit, aura certainement des conséquences importantes et néfastes sur la transmission des entreprises familiales, comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer dans ces colonnes il y a quelques mois.
Pourtant, il semble bien que ce soit uniquement grâce à l’absence d’un gouvernement ayant les pleines fonctions, que cette réforme fiscale n’ait pas encore vu le jour. Gageons que notre futur gouvernement saura faire la distinction, et ne perdra pas totalement de vue l’importance de maintenir des PME prospères sur notre territoire. Car il s’agit pour elles d’une étape clé, c’est-à-dire la transmission à un repreneur qui, prenant des risques personnels importants, s’engage à pérenniser l’outil et l’emploi.
Si lors d’une cessation, en tant que liquidation volontaire, le dirigeant reste maître du processus, il s’agit tout de même de mettre fin à l’activité, ce qui n’est probablement pas très réjouissant. Une cession est au contraire un acte voulu par le cédant qui veut que son entreprise poursuive sa route dans les mains d’un repreneur qualifié. Le chef d’entreprise, tant qu’il est en bonne santé ainsi que son entreprise – les deux vont d’ailleurs souvent de pair –, a donc tout intérêt à organiser une cession plutôt que subir une cessation.
Illustration : Clou